Paris Match Interview (French)
Michael Cretu. L’homme mystère d’Enigma
Il est celui qui porte le projet musical depuis son apparition, en 1990. Installé à Munich, il a accepté de nous recevoir pour nous éclairer sur l’un des secrets les mieux gardés de la pop contemporaine.
Installé à Munich, il a accepté de nous recevoir pour nous éclairer sur l’un C’est dans un pays qui n’avait pas accès à la pop music qu’il est né en 1957. « En Roumanie, raconte Michael Cretu, tous les enfants étaient formés au classique. Mes parents m’ont mis au piano dès l’âge de 5 ans. Mais, à l’adolescence, grâce à la radio, j’ai découvert les Beatles, les Rolling Stones. Certains avaient même leurs disques achetés à l’étranger et on se les échangeait sous le manteau. J’ai donc fini par en avoir marre du classique. » Plutôt doué pour le clavier, Michael est accepté dans une école de musique à Francfort. Il en profite pour passer l’année 1968-1969 à Paris, chez une cousine, afin d’apprendre le français. Langue qu’il maîtrise encore, « en regrettant de ne pas la pratiquer assez ». De retour en Allemagne, il assiste aux débuts de la musique électronique. « Tout se faisait alors par le bouche-à-oreille. Je menais ma barque sans penser vraiment faire carrière. » Un premier album sort outre-Rhin en 1979, « Moon, Light & Flowers ». « Je n’en suis pas fier… », dit-il aujourd’hui. Cretu se rend compte que la promotion ne lui plaît pas, encore moins la scène ou les shows télé. Malgré tout, il poursuit et devient un nom en Allemagne. « Je composais pour d’autres tout en sortant mes disques. J’aurais pu connaître le même succès que le groupe Nena, mais j’ai préféré suivre une autre voie. »
A l’époque, Michael gagne suffisamment sa vie pour s’installer à Ibiza avec son épouse, la chanteuse Sandra, qui fait fantasmer la jeunesse européenne, et y construire son studio. Cretu s’épanouit en auteur, compositeur et producteur des disques de sa femme. Sandra lui inspire alors des chansons sensuelles et énigmatiques, utilisant une trame religieuse et romanesque, qu’il signera sous pseudonyme. Enigma était né. Impossible en 1990 d’échapper à « Sadeness (Part I) » où, sur une ambiance gothique et électro, une jeune femme chante des versets peu catholiques. Cet hommage à Sade occupe les premières places des hit-parades dans le monde. Cretu jubile. « J’avais atteint ce qu’il me fallait : le triomphe et l’anonymat. Tout aurait très bien pu s’arrêter là. » Trois ans plus tard, nouveau carton avec « Return to Innocence ». « J’avais décidé d’essayer autre chose, d’incorporer des éléments de la world music. Ce fut encore un plus grand tube. »
Désormais, plus question de se cacher. Cretu révèle au monde qu’il est l’homme derrière Enigma. Avare d’interviews, il refuse de développer une version live de son projet. « On a souvent qualifié ma musique de new age, c’est n’importe quoi ! Il y a un son Enigma, c’est la seule chose qui compte. » Sept albums viendront confirmer sa théorie. Mais, en 2008, il arrive au bout d’un cycle. « Je ne connaissais plus grand monde dans ma maison de disques, je ne me sentais plus soutenu. » Cretu se tourne alors vers la musique de film. « Pendant quatre ans, j’ai développé la musique d’une nouvelle version de “Metropolis”, mais le projet ne s’est pas concrétisé. J’ai au moins pu m’aérer l’esprit, oublier Enigma. Pour mieux y revenir. » Il lui faudra quatre autres années pour finaliser « The Fall of a Rebel Angel », album concept racontant la rédemption d’un homme. Cretu a fait appel à son ami Michael Kunze pour rédiger l’histoire et à Anggun, notamment, pour chanter sur « Sadeness (Part II) ». Evidemment, l’attente est bien moindre qu’il y a vingt ans. « Je suis très fier du travail accompli. Maintenant que le marché est moins important, peut-être est-il temps de monter sur scène. J’y réfléchis pour 2018… » Il est l’heure de se lancer dans la séance photo « Vous comprendrez que je ne peux pas regarder l’objectif. Il faut rester un peu mystérieux », sourit-il. Enigma un jour, énigme toujours…
By Benjamin Locoge